MONTFLEURY (aux marquis) Venez a mon secours, Messieurs! UN MARQUIS (nonchalamment) Mais jouez donc! CYRANO Gros homme, si tu joues Je vais etre oblige de te fesser les joues! LE MARQUIS Assez! CYRANO Que les marquis se taisent sur leurs bancs, Ou bien je fais tater ma canne a leurs rubans! TOUS LES MARQUIS (debout) C'en est trop!. . .Montfleury. . . CYRANO Que Montfleury s'en aille, Ou bien je l'essorille et le desentripaille! UNE VOIX Mais. . . CYRANO Qu'il sorte! UNE AUTRE VOIX Pourtant. . . CYRANO Ce n'est pas encor fait? (Avec le geste de retrousser ses manches) Bon! je vais sur la scene en guise de buffet, Decouper cette mortadelle d'Italie! MONTFLEURY (rassemblant toute sa dignite) En m'insultant, Monsieur, vous insultez Thalie! CYRANO (tres poli) Si cette Muse, a qui, Monsieur, vous n'etes rien, Avait l'honneur de vous connaitre, croyez bien Qu'en vous voyant si gros et bete comme une urne, Elle vous flanquerait quelque part son cothurne. LE PARTERRE Montfleury! Montfleury!--La piece de Baro!-- CYRANO (a ceux qui crient autour de lui) Je vous en prie, ayez pitie de mon fourreau Si vous continuez, il va rendre sa lame! Le cercle s'elargit LA FOULE (reculant) He! la!. . . CYRANO (a Montfleury) Sortez de scene! LA FOULE (se rapprochant et grondant) Oh! oh! CYRANO (se retournant vivement) Quelqu'un reclame? Nouveau recul UNE VOIX (chantant au fond) Monsieur de Cyrano Vraiment nous tyrannise, Malgre ce tyranneau On jouera 'la Clorise!' TOUTE LA SALLE (chantant) 'La Clorise!' 'la Clorise!'. . . CYRANO Si j'entends une fois encor cette chanson, Je vous assomme tous. UN BOURGEOIS Vous n'etes pas Samson! CYRANO Voulez-vous me preter, Monsieur, votre machoire? UNE DAME (dans les loges) C'est inoui! UN SEIGNEUR C'est scandaleux! UN BOURGEOIS C'est vexatoire! UN PAGE Ce qu'on s'amuse! LE PARTERRE Kss!--Montfleury!--Cyrano! CYRANO Silence! LE PARTERRE (en delire) Hi han! Bee! Ouah, ouah! Cocorico! CYRANO Je vous. . . UN PAGE Miaou! CYRANO Je vous ordonne de vous taire! Et j'adresse un defi collectif au parterre! --J'inscris les noms!--Approchez-vous, jeunes heros! Chacun son tour! Je vais donner des numeros!-- Allons, quel est celui qui veut ouvrir la liste? Vous, Monsieur? Non! Vous? Non! Le premier duelliste, Je l'expedie avec les honneurs qu'on lui doit! --Que tous ceux qui veulent mourir levent le doigt. (Silence) La pudeur vous defend de voir ma lame nue? Pas un nom?--Pas un doigt?--C'est bien. Je continue. (Se retournant vers la scene ou Montfleury attend avec angoisse) Donc, je desire voir le theatre gueri De cette fluxion. Sinon. . . (La main a son epee) le bistouri! MONTFLEURY Je. . . CYRANO (descend de sa chaise, s'assied au milieu du rond qui s'est forme, s'installe comme chez lui) Mes mains vont frapper trois claques, pleine lune! Vous vous eclipserez a la troisieme. LE PARTERRE (amuse) Ah?. . . CYRANO (frappant dans ses mains) Une! MONTFLEURY Je. . . UNE VOIX (des loges) Restez! LE PARTERRE Restera. . .restera pas. . . MONTFLEURY Je crois, Messieurs. . . CYRANO Deux! MONTFLEURY Je suis sur qu'il vaudrait mieux que. . . CYRANO Trois! Montfleury disparait comme dans une trappe. Tempete de rires, de sifflets et de huees LA SALLE Hu!. . .hu!. . .Lache!. . .Reviens!. . . CYRANO (epanoui, se renverse sur sa chaise, et croise ses jambes) Qu'il revienne, s'il l'ose! UN BOURGEOIS L'orateur de la troupe! Bellerose s'avance et salue LES LOGES Ah!. . .Voila Bellerose! BELLEROSE (avec elegance) Nobles seigneurs. . . LE PARTERRE Non! Non! Jodelet! JODELET (s'avance, et, nasillard) Tas de veaux! LE PARTERRE Ah! Ah! Bravo! tres bien! bravo! JODELET Pas de bravos! Le gros tragedien dont vous aimez le ventre S'est senti. . . LE PARTERRE C'est un lache! JODELET Il dut sortir! LE PARTERRE Qu'il rentre! LES UNS Non! LES AUTRES Si! UN JEUNE HOMME (a Cyrano) Mais a la fin, monsieur, quelle raison Avez-vous de hair Montfleury? CYRANO (gracieux, toujours assis) Jeune oison, J'ai deux raisons, dont chaque est suffisante seule. Primo c'est un acteur deplorable, qui gueule, Et qui souleve avec des han! de porteur d'eau, Le vers qu'il faut laisser s'envoler!--Secundo Est mon secret. . . LE VIEUX BOURGEOIS (derriere lui) Mais vous nous privez sans scrupule De la 'Clorise!' Je m'entete. . . CYRANO (tournant sa chaise vers le bourgeois, respecteusement) Vieille mule! Les vers du vieux Baro valant moins que zero, J'interromps sans remords! LES PRECIEUSES (dans les loges) Ha!--Ho!--Notre Baro! Ma chere!--Peut-on dire?. . .Ah! Dieu!. . . CYRANO (tournant sa chaise vers les loges, galant) Belles personnes, Rayonnez, fleurissez, soyez des echansonnes De reve, d'un sourire enchantez un trepas, Inspirez-nous des vers. . .mais ne les jugez pas! BELLEROSE Et l'argent qu'il va falloir rendre! CYRANO (tournant sa chaise vers la scene) Bellerose, Vous avez dit la seule intelligente chose! Au manteau de Thespis je ne fais pas de trous (Il se leve, et lancant un sac sur la scene) Attrapez cette bourse au vol, et taisez-vous! LA SALLE (eblouie) Ah!. . .Oh!. . . JODELET (ramassant prestement la bourse et la soupesant) A ce prix-la, monsieur, je t'autorise A venir chaque jour empecher la 'Clorise'!. . . LA SALLE Hu!. . .Hu!. . . JODELET Dussions-nous meme ensemble etre hues!. . . BELLEROSE Il faut evacuer la salle!. . . JODELET Evacuez!. . . On commence a sortir, pendant que Cyrano regarde d'un air satisfait. Mais la foule s'arrete bientot en entendant la scene suivante, et la sortie cesse. Les femmes qui, dans les loges, etaient deja debout, leur manteau remis, s'arretent pour ecouter, et finissent par se rasseoir LE BRET (a Cyrano) C'est fou!. . . UN FACHEUX (qui s'est approche de Cyrano) Le comedien Montfleury! quel scandale! Mais il est protege par le duc de Candale! Avez-vous un patron? CYRANO Non! LE FACHEUX Vous n'avez pas?. . . CYRANO Non! LE FACHEUX Quoi, pas un grand seigneur pour couvrir de son nom?. . . CYRANO (agace) Non, ai-je dit deux fois. Faut-il donc que je trisse? Non, pas de protecteur. . . (La main a son epee) mais une protectrice! LE FACHEUX Mais vous allez quitter la ville? CYRANO C'est selon. LE FACHEUX Mais le duc de Candale a le bras long! CYRANO Moins long Que n'est le mien. . . (Montrant son epee) quand je lui mets cette rallonge! LE FACHEUX Mais vous ne songez pas a pretendre. . . CYRANO J'y songe. LE FACHEUX Mais. . . CYRANO Tournez les talons, maintenant. LE FACHEUX Mais. . . CYRANO Tournez! --Ou dites-moi pourquoi vous regardez mon nez. LE FACHEUX (ahuri) Je. . . CYRANO (marchant sur lui) Qu'a-t-il d'etonnant? LE FACHEUX (reculant) Votre Grace se trompe. . . CYRANO Est-il mol et ballant, monsieur, comme une trompe?. . . LE FACHEUX (meme jeu) Je n'ai pas. . . CYRANO Ou crochu comme un bec de hibou? LE FACHEUX Je. . . CYRANO Y distingue-t-on une verrue au bout? LE FACHEUX Mais. . . CYRANO Ou si quelque mouche, a pas lents, s'y promene? Qu'a-t-il d'heteroclite? LE FACHEUX Oh!. . . CYRANO Est-ce un phenomene? LE FACHEUX Mais d'y porter les yeux j'avais su me garder! CYRANO Et pourquoi, s'il vous plait, ne pas le regarder? LE FACHEUX J'avais. . . CYRANO Il vous degoute alors? LE FACHEUX Monsieur. . . CYRANO Malsaine Vous semble sa couleur? LE FACHEUX Monsieur! CYRANO Sa forme, obscene? LE FACHEUX Mais du tout!. . . CYRANO Pourquoi donc prendre un air denigrant? --Peut-etre que monsieur le trouve un peu trop grand? LE FACHEUX (balbutiant) Je le trouve petit, tout petit, minuscule! CYRANO Hein? comment? m'accuser d'un pareil ridicule? Petit, mon nez? Hola! LE FACHEUX Ciel! CYRANO Enorme, mon nez! --Vil camus, sot camard, tete plate, apprenez Que je m'enorgueillis d'un pareil appendice, Attendu qu'un grand nez est proprement l'indice D'un homme affable, bon, courtois, spirituel, Liberal, courageux, tel que je suis, et tel Qu'il vous est interdit a jamais de vous croire, Deplorable maraud! car la face sans gloire Que va chercher ma main en haut de votre col, Est aussi denuee. . . (Il le soufflette LE FACHEUX Ai! CYRANO De fierte, d'envol, De lyrisme, de pittoresque, d'etincelle, De somptuosite, de Nez enfin, que celle. . . (Il se retourne par les epaules, joignant le geste a la parole) Que va chercher ma botte au bas de votre dos! LE FACHEUX (se sauvant) Au secours! A la garde! CYRANO Avis donc aux badauds Qui trouveraient plaisant mon milieu de visage, Et si le plaisantin est noble, mon usage Est de lui mettre, avant de le laisser s'enfuir, Pas devant, et plus haut, du fer, et non du cuir! DE GUICHE (qui est descendu de la scene, avec les marquis) Mais a la fin il nous ennui! LE VICOMTE DE VALVERT (haussant les epaules) Il fanfaronne! DE GUICHE Personne ne va donc lui repondre?. . . LE VICOMTE Personne? Attendez! Je vais lui lancer un de ces traits!. . . (Il s'avance vers Cyrano qui l'observe, et se campant devant lui d'un air fat) Vous. . .vous avez un nez. . .heu. . .un nez. . .tres grand. CYRANO (gravement) Tres! LE VICOMTE (riant) Ha! CYRANO (imperturbable) C'est tout?. . . LE VICOMTE Mais. . . CYRANO Ah! non! c'est un peu court, jeune homme! On pouvait dire. . .Oh! Dieu!. . .bien des choses en somme. . . En variant le ton,--par exemple, tenez Agressif 'Moi, monsieur, si j'avais un tel nez Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse!' Amical 'Mais il doit tremper dans votre tasse! Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap!' Descriptif 'C'est un roc!. . .c'est un pic!. . .c'est un cap! Que dis-je, c'est un cap?. . .C'est une peninsule!' Curieux 'De quoi sert cette oblongue capsule? D'ecritoire, monsieur, ou de boite a ciseaux?' Gracieux 'Aimez-vous a ce point les oiseaux Que paternellement vous vous preoccupates De tendre ce perchoir a leur petites pattes?' Truculent 'Ca, monsieur, lorsque vous petunez, La vapeur du tabac vous sort-elle du nez Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminee?' Prevenant 'Gardez-vous, votre tete entrainee Par ce poids, de tomber en avant sur le sol!' Tendre 'Faites-lui faire un petit parasol De peur que sa couleur au soleil ne se fane!' Pedant 'L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane Appelle Hippocampelephantocamelos Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os!' Cavalier 'Quoi, l'ami, ce croc est a la mode? Pour pendre son chapeau, c'est vraiment tres commode!' Emphatique 'Aucun vent ne peut, nez magistral, T'enrhumer tout entier, excepte le mistral!' Dramatique 'C'est la Mer Rouge quand il saigne!' Admiratif 'Pour un parfumeur, quelle enseigne!' Lyrique 'Est-ce une conque, etes-vous un triton?' Naif 'Ce monument, quand le visite-t-on?' Respectueux 'Souffrez, monsieur, qu'on vous salue, C'est la ce qui s'appelle avoir pignon sur rue!' Campagnard 'He, arde! C'est-y un nez? Nanain! C'est queuqu'navet geant ou ben queuqu'melon nain!' Militaire 'Pointez contre cavalerie!' Pratique 'Voulez-vous le mettre en loterie? Assurement, monsieur, ce sera le gros lot!' Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot 'Le voila donc ce nez qui des traits de son maitre A detruit l'harmonie! Il en rougit, le traitre!' --Voila ce qu'a peu pres, mon cher, vous m'auriez dit Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit Mais d'esprit, o le plus lamentable des etres, Vous n'en eutes jamais un atome, et de lettres Vous n'avez que les trois qui forment le mot sot! Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut Pour pouvoir la, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n'en eussiez pas articule le quart De la moitie du commencement d'une, car Je me les sers moi-meme, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve. DE GUICHE (voulant emmener le vicomte petrifie) Vicomte, laissez donc! LE VICOMTE (suffoque) Ces grands airs arrogants! Un hobereau qui. . .qui. . .n'a meme pas de gants! Et qui sort sans rubans, sans bouffettes, sans ganses! CYRANO Moi, c'est moralement que j'ai mes elegances. Je ne m'attife pas ainsi qu'un freluquet, Mais je suis plus soigne si je suis moins coquet; Je ne sortirais pas avec, par negligence, Un affront pas tres bien lave, la conscience Jaune encor de sommeil dans le coin de son oeil, Un honneur chiffonne, des scrupules en deuil. Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise, Empanache d'independance et de franchise; Ce n'est pas une taille avantageuse, c'est Mon ame que je cambre ainsi qu'en un corset, Et tout couvert d'exploits qu'en rubans je m'attache, Retroussant mon esprit ainsi qu'une moustache, Je fais, en traversant les groupes et les ronds, Sonner les verites comme des eperons. LE VICOMTE Mais, monsieur. . . CYRANO Je n'ai pas de gants?. . .la belle affaire! Il m'en restait un seul. . .d'une tres vieille paire! --Lequel m'etait d'ailleurs encor fort importun Je l'ai laisse dans la figure de quelqu'un. LE VICOMTE Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule! CYRANO (otant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se presenter) Ah?. . .Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac. Rires LE VICOMTE (exaspere) Bouffon! CYRANO (poussant un cri comme lorsqu'on est saisi d'une crampe) Ay!. . . LE VICOMTE (qui remontait, se retournant) Qu'est-ce encor qu'il dit? CYRANO (avec des grimaces de douleur) Il faut la remuer car elle s'engourdit. . . --Ce que c'est que de la laisser inoccupee!-- Ay!. . . LE VICOMTE Qu'avez-vous? CYRANO J'ai des fourmis dans mon epee! LE VICOMTE (tirant la sienne) Soit! CYRANO Je vais vous donner un petit coup charmant. LE VICOMTE (meprisant) Poete!. . . CYRANO Oui, monsieur, poete! et tellement, Qu'en ferraillant je vais--hop!--a l'improvisade, Vous composer une ballade. LE VICOMTE Une ballade? CYRANO Vous ne vous doutez pas de ce que c'est, je crois? LE VICOMTE Mais. . . CYRANO (recitant comme une lecon) La ballade, donc, se compose de trois Couplets de huit vers. . . LE VICOMTE (pietinant) Oh! CYRANO (continuant) Et d'un envoi de quatre. . . LE VICOMTE Vous. . . CYRANO Je vais tout ensemble en faire une et me battre, Et vous toucher, monsieur, au dernier vers. LE VICOMTE Non! CYRANO Non? (Declamant) 'Ballade du duel qu'en l'hotel bourguignon Monsieur de Bergerac eut avec un belitre!' LE VICOMTE Qu'est-ce que c'est que ca, s'il vous plait? CYRANO C'est le titre. LA SALLE (surexcitee au plus haut point) Place!--Tres amusant!--Rangez-vous!--Pas de bruits! Tableau. Cercle de curieux au parterre, les marquis et les officiers meles aux bourgeois et aux gens du peuple; les pages grimpes sur des epaules pour mieux voir. Toutes les femmes debout dans les loges. A droite, De Guiche et ses gentilshommes. A gauche, Le Bret, Ragueneau, Cuigy, etc CYRANO (fermant une second les yeux) Attendez!. . .je choisis mes rimes. . .La, j'y suis. (Il fait ce qu'il dit, a mesure) Je jette avec grace mon feutre, Je fais lentement l'abandon Du grand manteau qui me calfeutre, Et je tire mon espadon; Elegant comme Celadon, Agile comme Scaramouche, Je vous previens, cher Mirmydon, Qu'a la fin de l'envoi je touche! (Premiers engagements de fer) Vous auriez bien du rester neutre; Ou vais-je vous larder, dindon?. . . Dans le flanc, sous votre maheutre?. . . Au coeur, sous votre bleu cordon?. . . --Les coquilles tintent, ding-don! Ma pointe voltige une mouche! Decidement. . .c'est au bedon, Qu'a la fin de l'envoi, je touche. Il me manque une rime en eutre. . . Vous rompez, plus blanc qu'amidon? C'est pour me fournir le mot pleutre! --Tac! je pare la pointe dont Vous esperiez me faire don;-- J'ouvre la ligne,--je la bouche. . . Tiens bien ta broche, Laridon! A la fin de l'envoi, je touche. (Il annonce solennellement) Envoi. Prince, demande a Dieu pardon! Je quarte du pied, j'escarmouche, Je coupe, je feinte. . . (Se fendant) He! la, donc! (Le vicomte chancelle; Cyrano salue) A la fin de l'envoi, je touche! Acclamations. Applaudissements dans les loges. Des fleurs et des mouchoirs tombent. Les officiers entourent et felicitent Cyrano. Ragueneau danse d'enthousiasme. Le Bret est heureux et navre. Les amis du vicomte le soutiennent et l'emmenent LA FOULE (en un long cri) Ah!. . . UN CHEVAU-LEGER Superbe! UNE FEMME Joli! RAGUENEAU Pharamineux! UN MARQUIS Nouveau!. . . LE BRET Insense! BOUSCULADE (autour de Cyrano. On entend) . . .Compliments!. . .felicite. . .bravo. . . VOIX DE FEMME C'est un heros!. . . UN MOUSQUETAIRE (s'avancant vivement vers Cyrano, la main tendue) Monsieur, voulez-vous me permettre?. . . C'est tout a fait tres bien, et je crois m'y connaitre; J'ai du reste exprime ma joie en trepignant!. . . Il s'eloigne CYRANO (a Cuigy) Comment s'appelle donc ce monsieur? CUIGY D'Artagnan. LE BRET (a Cyrano, lui prenant le bras) Ca, causons!. . . CYRANO Laisse un peu sortir cette cohue. . . (A Bellerose) Je peux rester? BELLEROSE (respecteusement) Mais oui!. . . On entend des cris au dehors JODELET (qui a regarde) C'est Montfleury qu'on hue! BELLEROSE (solennellement) Sic transit!. . . (Changeant de ton, au portier et au moucheur de chandelles) Balayez. Fermez. N'eteignez pas. Nous allons revenir apres notre repas, Repeter pour demain une nouvelle farce. Jodelet et Bellerose sortent, apres de grands saluts a Cyrano LE PORTIER (a Cyrano) Vous ne dinez donc pas? CYRANO Moi?. . .Non. Le portier se retire LE BRET (a Cyrano) Parce que? CYRANO (fierement) Parce. . . (Changeant de ton, en voyant que le portier est loin) Que je n'ai pas d'argent!. . . LE BRET (faisant le geste de lancer un sac) Comment! le sac d'ecus?. . . CYRANO Pension paternelle, en un jour, tu vecus! LE BRET Pour vivre tout un mois, alors?. . . CYRANO Rien ne me reste. LE BRET Jeter ce sac, quelle sottise! CYRANO Mais quel geste!. . . LA DISTRIBUTRICE (toussant derriere son petit comptoir) Hum!. . . (Cyrano et Le Bret se retournent. Elle s'avance intimidee) Monsieur. . .Vous savoir jeuner. . .le coeur me fend. . . (Montrant le buffet) J'ai la tout ce qu'il faut. . . (Avec elan) Prenez! CYRANO (se decouvrant) Ma chere enfant, Encor que mon orgeuil de Gascon m'interdise D'accepter de vos doigts la moindre friandise, J'ai trop peur qu'un refus ne vous soit un chagrin, Et j'accepterai donc. . . (Il va au buffet et choisit) Oh! peu de chose!--un grain De ce raisin. . . (Elle veut lui donner la grappe, il cueille un grain) Un seul!. . .ce verre d'eau. . . (Elle veut y verser du vin, il l'arrete) limpide! --Et la moitie d'un macaron! Il rend l'autre moitie LE BRET Mais c'est stupide! LA DISTRIBUTRICE Oh! quelque chose encor! CYRANO Oui. La main a baiser. Il baise, comme la main d'une princesse, la main qu'elle lui tend LA DISTRIBUTRICE Merci, monsieur. (Reverence) Bonsoir. Elle sort